Par Gaspard Kirombo
Un texte facile à lire, mais une succession de situations inimaginables pour une famille. Je me limiterai à commenter quelques citations du livre qui ont particulièrement attiré mon attention. Tous mes compliments à l’auteure qui nous partage son intimité douloureuse avec autant de détails.
A peine qu’on ouvre le livre, on tombe sur « Mettre les mots sur l’horreur », p.9
Un des mérites de ce livre, je préfère dire de son auteur(e), c’est justement qu’il cherche à mettre les mots sur l’horreur. Cela me semble indispensable quand on décide de s’impliquer dans un processus de guérison, de pacification et de réconciliation.
Et dès le départ, une balise a heureusement été mise en place : « …nous ne devons pas perdre l’espoir d’un monde meilleur… » p.11. L’auteure, depuis ses neuf ans et tout au long de son adolescence, a tellement vécu de situations dramatiques et successives qu’il reste difficile de s’imaginer un monde meilleur. Heureusement qu’elle n’a jamais cédé au désespoir. Heureusement aussi qu’elle a eu, à ses côtés, une maman « battante » comme elle le souligne, par ailleurs. Sacrée maman !
Une des premières leçons qui nous est partagée est que « …ce n’est pas l ‘ethnie qui tue… La haine n’a pas d’ethnie… » p.70. En effet, le drame de cette famille est qu’elle a été massacrée et pourchassée par des éléments de toutes les ethnies de l’Afrique centrale, les Batwa y compris, ai-je appris par ailleurs ! Cela nous apprend, comme l’a bien remarqué l’auteure, à ne jamais globaliser, à ne jamais céder aux préjugés ethnocentriques.
En effet, ayant parcouru le monde, de Karuzi (1993) à Karuzi (2010) en passant par Uvira, Cyangugu, Bukavu, Swima, Mboko, Baraka, Kazimiya et Kalemie, Kigoma, Kigali, Bruxelles, Bujumbura, l’auteure a fini par comprendre et nous partager que « L’histoire des Hutu et des Tutsi est tellement absurde…» (p.13-14). D’où un constant amer que l’auteure partage d’ailleurs avec un autre, plus précisément le Professeur J. GAHAMA, « Comme les concepteurs des crimes ne sont jamais identifiés individuellement, c’est tout le groupe qui s’identifie (ou qu’on identifie) comme victime (ou auteur) des violences ou de la répression »(p.16).
Cette histoire est tellement absurde que l’on ne peut ne pas compatir, comme Djana la confidente de l’auteure de ce livre : « Cette histoire que tu viens de me raconter, c’est toi qui l’as vraiment vécue ? » p. 88. Sans compter que cet enfant est allée jusqu’à regretter, en 1996 à Mulongwe au Zaïre, d’avoir survécu en 1993 au Burundi : « Après le passage de cette foule, …j’aurais aimé être morte avec les miens en 1993… » (p. 124). A Mboko précisément, l’enfant va aussi jusqu’à penser : »…je crois au fond de moi que même le Bon Dieu nous a abandonnés …» (p.133) et à Kazimiya (Zaïre) : « Que notre mort soit rapide et sans douleur » (p.140).
La découverte de ce drame familial nous apprend aussi que, pour un mal aussi profond, qui risquait de transformer la victime en « un futur serial killer rongée par la colère, par une soif de vengeance ; haïe par toutes les ethnies » (p. 159), il a fallu un remède pas comme les autres : « La rencontre avec Jésus fut la plus belle de toutes. J’ai senti tout doucement le poids de la vengeance disparaître, la colère s’estomper et surtout, une paix incommensurable. Ce sont des choses difficiles à expliquer et qui ne peuvent que se sentir » (p.159).
Cependant, l’énigme de la vie reste entière : « Et Dieu dans tout ça, où était-il lorsque ma famille se faisait sauvagement assassiner ? » (p. 176). Mais, cela n’empêche à Lydia de conclure presque joyeusement, tout au moins avec réalisme : « …grâce à mon entourage et la bonté du Seigneur, j’ai pu commencer un travail sur moi-même. Ce travail sera peut être long, mais je l’achèverai » (177).
Et c’est tout ce que je peux lui souhaiter, en la remerciant d’avoir bien voulu nous partager son intimité douloureuse. Puissent d’autres burundaises et burundais, encore nombreux à ployer sous le poids de leurs histoires douloureuses, faire ce même exercice qui, d’une certaine manière, guérit quelque peu et libère ! En effet, « tant qu’il y a la vie, il y a de l’espoir… » (p.186)
sakubu
Quand vous affirmez que « ….pourchassée par toutes les ethnies de l’Afrique centrale, les Batwa y compris ai appris par ailleurs ». Sans citer la source et expliquer comment les Batwa ont participé dans le massacre des siens le Lydia Inininihazwe-SENRAMO, je trouve cela comme une accusation grave et globalisante à l’endroit des Batwa alors que même l’auteure du livre ne le mentionne pas. C’est le manque même de respect à l’endroit de l’auteure.