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OPINION

L’attaque en incompétence est bête et méchante

Par Dr Déo Christian Haringanji

Le médecin burundais en France réagit sur les commentaires du livre du Général Rugigana. Il estime que la démarche du Général est saine. Une « thérapie » d’après-lui.

Je n’ai pas encore lu le livre, je l’ai  déjà commandé, il m’arrive  bientôt. À ce stade, je ne peux pas faire de commentaire ni de jugement de valeur concernant le livre du Général de Brigade Joseph Rugigana. Je conseillerais aux uns et aux autres, si l’occasion m’en était donnée, de bien se garder de perpétuer de telles démarches.

Je n’ai pas encore lu le livre, je reconnais, mais j’ai fait comme beaucoup : j’ai bien suivi les débats à Paris et à Bruxelles. Je suis assez déçu, car tout se résume à une passe d’armes entre anciens officiers des célèbres forces armées Burundaises (FAB), tous issus du même moule, le non moins célèbre ISCAM.

Alors je m’interroge :

Une fois qu’on a tout lu et tout entendu concernant ce livre, il semble que l’identité et le CV de l’auteur prennent une place prépondérante sur le narratif.  Or il apporte un récit dont l’intérêt est de trouver une explication à des questions tout à fait légitimes sur ce qui s’est passé en 1993. Comme dans un tribunal, certains ont trouvé le moyen d’exprimer leur courroux parce que cités dans le livre. D’autres, par écrit, se sont livrés à des attaques « ad hominem », vis-à-vis de l’auteur. L’attaque en incompétence est bête et méchante, car s’ils avaient été des génies… Mais passons !

Que veut dire tout ceci ?

Si on se rue sur le moindre récit par un acteur plus ou moins proche des événements, c’est que la justice n’a pas joué son rôle. Aucune enquête susceptible d’apporter des preuves irréfutables de la participation de tel ou tel, l’implication de tel corps ,  n’a été faite ou quand elle a existé, elle est restée insuffisante. L’intervention du seul jeune officier qui a connu la prison à l’issue des enquêtes est pertinente. Il est tout à fait compréhensible qu’il s’interroge sur la pertinence d’un témoignage qui intervient 30 ans après au moment où lui a déjà payé. Visiblement, les enquêteurs n’ont pas interrogé tout le monde puisque l’auteur n’a pas été interrogé et rien ne nous empêche de penser que s’il l’avait été, le livre n’aurait pas existé. Mais tel n’est pas mon propos et j’ai dit que je n’ai pas encore lu le livre.

On s’émeut légitimement de l’assassinat du premier président démocratiquement élu au Burundi. D’autres insistent moins légitimement sur le fait que celui-ci était Hutu. J’estime et je dis que ceci est une partie du problème. Une partie seulement. Probablement celui dont la solution aurait été la plus facile à apporter. On a l’impression que si on avait insisté un peu, une partie du public présent à Paris et à Bruxelles aurait pu révéler jusqu’à l’identité du tueur. Permettez-moi de dire que même pertinente, cette réponse n’aurait rien apporté aux nombreuses interrogations qui continuent de nous hanter :

Nos parents ont été massacrés et brûlés vifs dans leurs maisons. Les survivants ont été parqués dans des camps dits de déplacés d’où ils ne sont jamais sortis. Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ? Certains ne savaient pas qui était le président de la République ni qu’il avait été tué. Même s’ils revenaient, ils ignorent tout de tout !

On dit  « primum movens » , n’est-ce pas la soif du pouvoir ? Qui a mandaté les putschistes ? Certainement pas ma mère, mon oncle, mes cousins et mes frères qui se sont retrouvés à payer la lourde facture de la « connerie ».

Une fois qu’ils ont commis l’irréparable, pourquoi ont-ils laissé des populations entières sans défense ? Pourquoi on a pu tuer à Makebuko , Gishubi , Ntita, Buraza, Bukirasazi alors qu’à moins de 50 km se trouve la garnison de Gitega ?

En ayant dit ceci, je voudrais souligner l’audace du général Rugigana. La démarche est saine, car c’est une thérapie. Il ne pouvait pas garder ça plus longtemps.

Il va être pointé du doigt, voire ostracisé par ses frères d’armes. L’ont-ils jamais été ? Je comprends mieux pourquoi il s’asseyait face à l’entrée quand on allait boire une bière ensemble. Mais là, il était encore capitaine et sans espoir d’avancer et toujours sur le qui-vive. J’ai appris que plus tard il était devenu puissant à l’état major. Je présume qu’il a pu se faire des amis, car les puissants ont des amis et il avait fait le plein d’ennemis.

Amitiés mon général !

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