Lecture critique du livre du Général RUGIGANA par le Professeur Julien Nimubona

Une contribution à la découverte de la vérité

Pour le politologue, le livre du Général Rugigana est une contribution  à la découverte de la vérité. Le professeur Nimubona souhaite qu’il y ait d’autres publications  par d’autres témoins de la tragédie d’octobre 1993.

 

Le livre est un témoignage de l’auteur sur une situation vécue personnellement. Il s’agit ensuite (troisième partie) de ses points de vue personnels sur ce qui s’est passé au Burundi en 1993.

En principe, on ne discute pas scientifiquement de témoignages personnels. Nous disons simplement qu’il s’agit d’une contribution à la découverte de la vérité sur l’évènement en question à condition qu’il y ait d’autres témoins ou acteurs de l’évènement qui participent au débat. Nous attendons que d’autres acteurs clés du déroulement de l’assassinat viennent donner leurs contributions. Certains de ces acteurs sont encore vivants et pourraient eux aussi témoigner. L’analyste scientifique pourra alors se faire une idée sur des faits sur lesquels il se développe des sentiments et des passions.

En revanche, à propos des points de vue personnels exprimés dans la dernière partie, un scientifique qui travaille depuis longtemps sur les régimes et systèmes politiques ne peut s’empêcher de faire remarquer que l’auteur semble découvrir les logiques de fonctionnement de tous les régimes autoritaires du monde en général, de l’Afrique en particulier. Il s’agit de fondements néo-patrimoniaux basés sur les appartenances communautaires et les pratiques néo-patrimoniales (ethnisme, régionalisme, clanisme, népotisme) et clientélistes ; le tout encadré par la violence physique militaire et policière, ordinaire dans les systèmes politiquement militarisés. Le Burundi n’a donc pas été une exception et il ne sert à rien de s’acharner sur des boucs émissaires pour analyser ce qui est arrivé en pareille situation de demande de changement de régime.

Si donc nous pouvons comprendre les violences qui sont dirigées contre les demandes de changement des régimes comme on pouvait s’y attendre en 1993 au Burundi, pour autant, l’auteur n’éclaire pas et même reste muet au sujet de l’environnement psychosociologique qui a accompagné l’assassinat du Président NDADAYE ; un climat pré-électoral de surpolitisation idéologique appuyant très fortement sur des dimensions ethniques qui ont créé les conditions allant jusqu’à la compréhension des auteurs du crime et donc à  la légitimation de ce dernier à partir du moment où les membres du parti qui venait de gagner les élections s’étaient livrés aux massacres généralisés des Tutsi et des Hutu de l’Uprona  C’est à partir de ce moment qu’est survenu depuis le rapport des Nations – unies de 1996 le débat sur le génocide des Tutsi, ce qui dilue toute analyse compréhensive du crime d’assassinat du Président Melchior NDADAYE ; un crime jugé prémédité dans ce cas.

Note de l’Éditeur

La lecture critique du Professeur Nimubona se distingue par sa profondeur . Je salue chaleureusement l’invitation qu’il adresse aux autres acteurs clés concernés par l’assassinat du Président Ndadaye pour qu’ils apportent eux aussi leurs témoignages et contributions. Comme le souligne pertinemment l’universitaire, certains de ces acteurs sont toujours vivants. Les Éditions Iwacu demeurent ouvertes pour enrichir le débat et explorer tous les angles de cette tragédie qui a précipité le Burundi dans une grave crise.

Dans sa note de lecture, le Professeur Nimubona n’aborde pas les deux premières parties de l’ouvrage, à savoir le récit et mes questions. À mon avis, ces sections sont résolument objectives, et seuls des témoins oculaires pourraient contredire le témoignage du Général Rugigana.

En revanche, la troisième partie, intitulée « Mes intimes convictions », présente la vision personnelle de l’auteur. Un auteur a le droit de partager ses convictions intimes, même si elles peuvent être subjectives et ne pas plaire à tout le monde. En tant qu’éditeur, j’avais souligné cet aspect (comme mentionné dans le texte), et l’auteur lui-même ne l’a pas contestée.

Je remercie sincèrement le Professeur Nimubona pour sa précieuse contribution qui enrichit notre compréhension et stimule le dialogue.

Antoine Kaburahe